samedi 14 mai 2011

avortement dans les séries télé : y a de l'espoir!

Dans les entrailles de ce blog dort un brouillon de texte sur le traitement de l'avortement dans les séries télé.  Je l'avais laissé dormir dans un coin. Et puis hier, j'ai regardé le dernier épisode diffusé de Private Practice, série diffusée aux États-Unis sur ABC. Je me suis dit que ça pouvait faire l'objet d'un billet ici, sorte de complément au billet portant sur le site IVG, je vais bien, merci.

Ce premier texte partait d'un article paru sur le site des séries et des hommes, et recensait les différentes séries ou l'avortement était abordé, pour conclure que 
- soit l'avortement n'était jamais évoqué même lorsqu'il paraît évident (Gabrielle et Lynette dans Desperate Housewives
- soit la femme enceinte défend une position pro-choice, mais décide toujours de poursuivre sa grossesse (Miranda dans Sex and the City)
- soit l'avortement à lieu, mais, comme les filles de 343 salopes le dénoncent, la femme en souffre, compte les anniversaires de l'enfant qui aurait pu être etc... (Claire dans Six Feet Under)

L'auteur conclue à la couardise des scénaristes, ou leur fainéantise.
Or, on a peut-être ici enfin une position courageuse et originale, et ça vaut la peine qu'on se penche dessus.

Pour ceux qui ne connaissent pas la série, Private Practice,  il s'agit d'un spin-off de Grey's Anatomy, centré sur le personnage de Addison Montgommery-Forbe-Shepard, chirurgienne très brillante à la vie sentimentale désastreuse, qui quitte Seattle pour Los Angeles dans le but de redonner un sens à sa vie, en allant travailler avec d'anciens amis d'université dans une clinique privée spécialisée dans les problèmes de fertilité.
Bon, donc on part d'un soap, pour créer un autre soap, qui possède comme avantage sur le premier de se passer au bord de la mer, dans une ambiance de luxe. Au milieu de la petite dizaine de séries que je suis sur une base hebdomadaire, je me demande parfois pourquoi je continue à regarder celle-là, qui, sur le papier au moins, est tout de même assez faible, entre Dr House, Mad Men et Doctor Who. Mais en regardant l'épisode de cette semaine, je me suis dit que cette série valait la peine d'être regardée, et diffusée sur un network américain, pour les positions politiques qu'elle affiche finalement assez régulièrement.

La spécialité de la clinique Ocean Side permet en effet de poser des questions d'éthiques, à la télévision, au milieu d'un soap apparemment inoffensif. Dés le premier épisode, une femme dont le mari meurt d'une crise cardiaque en faisant un don de sperme veut être inséminé grâce à ce dernier don. Dans un autre épisode, une mère porteuse enceinte de triplés tombe dans le coma à cause justement de cette grossesse difficile : cas d'éthique, qui décide des décisions médicales ? Le mari de la mère porteuse ? Les futurs parents des triplés ? Et la question de l'avortement apparaît aussi de temps en temps, pas beaucoup,  mais au regard de la situation des États-Unis sur cette question, on ne peut que saluer l'initiative.

C'est la deuxième fois, en 4 saisons, que cette question est abordée de manière frontale.

En 2008 :
Saison 3, épisode 12, «Best Laid Plans».

La première fois, on mettait en scène la fille (Maya) d'une des médecins (Naomie) travaillant la clinique, qui était enceinte à 15 ans. Sa mère, catholique et surtout fervente pro-life, terrorisée par la situation, entraînait de force sa fille dans le bureau de sa collègue (Addison) pour la forcer à interrompre cette grossesse. 
La position contradictoire de la mère, ainsi que le violence de son action, donnait lieu à une discussion entre elle et ses deux collègues féminines (Addison et Violet), chacune ayant avorté plus tôt dans leur vie. Les deux collègues insiste sur la question du choix (qui doit être fait par la femme enceinte, pas par une personne tierce, y compris sa mère). On n'échappe toutefois pas tout à fait au discours sur les regrets inévitables, et la douleur à vivre une telle épreuve.
Plus tard, juste avant l'intervention, la jeune fille, complètement perdue, demande à son médecin (Addison) ce qu'elle doit faire. La scène dure 3 minutes, et pendant ces trois minutes, Addison expose, explique, que c'est son choix. Qu'à ce stade de sa grossesse, il ne s'agit en aucun cas d'une vie biologiquement indépendante de son propre corps, et qu'en conséquence, la loi californienne lui laisse toute latitude pour décider de l'issue de cette grossesse jusqu'à, je crois, 24 semaines.

Finalement, Maya décide de poursuivre sa grossesse et d'élever son bébé. C'était la conclusion logique si on additionnait "éducation familiale qui a gravé l'idée que l'avortement est un crime" + "intégration de la liberté de choix". Comme on fait un choix en fonction de nos repères politiques et moraux, une autre conclusion aurait été très étonnante.

C'est pour ça que j'était très colère quand, en cherchant des extraits vidéo de cet épisode, je suis tombée sur des édito enflammés de anti-choice, qui étaient emballés par cet épisode, trouvant que c'était un magnifique plaidoyer contre l'avortement. Vraiment, ils n'avaient rien compris, et c'était la confirmation que ces fanatiques là sont non seulement sectaires, mais stupides.

Apparemment, les scénaristes sont d'accord avec moi. Et, comme le message n'a pas été totalement compris la première fois, on repose la question cette semaine dans des termes beaucoup plus simples, et plus choquant surement pour les anti-choix (oui, "anti-choix", "pro-vie", je trouve ça vraiment trop flatteur comme titre). 

En 2011 :
saison 4, épisode 21, «God Bless the Child».

On a donc cette fois-ci une jeune femme, Patty, d'un peu moins de trente ans, enceinte malgré un premier avortement, raté par un médecin incompétent. Elle se rend compte qu'elle est encore enceinte à 19 semaines de grossesse. La voici devant un choix : continuer la grossesse, ou avorter, sachant que la procédure à ce stade la grossesse est plus lourde.
Cette fois, le positionnement politique de la série ne laisse aucun doute, comme on peut le voir en détaillant les rôles et actions de chacun des personnages impliqués au fil de l'épisode.

La femme :

Patty s'est tout d'abord rendue dans une clinique spécialisée, mais celle-ci était bloquée par des militants anti-choice, qui l'ont insultée et terrorisée. Malgré cela, elle s'est ensuite rendue chez un médecin privé pour avorter, et celui-ci rate.
Poursuivant des études supérieures (elle prépare un MBA de quelque chose), sans argent, elle ne veut pas de cet enfant. Et lorsqu'elle apprend qu'elle est malgré tout cela toujours enceinte, sa première réaction, c'est de demander à son médecin de mettre fin à cette grossesse.

Aprés un peu de temps de réflexion, elle revient à Ocean Side et demande cette fois à être admise pour un avortement. Elle tombe cette fois-ci sur une militante anti-choix (celle qui, il y a une saison, voulait forcer sa fille à avorter bien qu'elle soir persuadée que c'est un meurtre), qui, sa petite-fille dans les bras, lui déroule tout un discours visant à la convaincre de poursuivre sa grossesse, et d'élever le bébé. Déstabilisée, elle repart sans être admise.

Lorsqu'elle revoit à nouveau son médecin qui lui explique que quel que sera son choix elle la soutiendra, elle décide en effet d'avorter.

À travers le parcours de cette femme, on a une liste des difficultés que rencontre une femme adulte, en pleine possession de ses facultés mentales, pour exercer son droit à l'avortement. Sont montrées à la fois les méthodes immédiatement violentes des militants anti-choix, comme l'occupation des cliniques ou les insultes, mais aussi le versant présentable de leur action, le discours d'aide et de douce culpabilisation, qui n'est pas non plus montré sous son jour le plus favorable.

Le médecin : 

C'est toujours Addison. On sait déjà (si on a suivi la série, et c'est rappelé au cours de l'épisode) qu'elle a elle-même avorté deux fois, et qu'elle essaye désespérément de tomber enceinte. Mais on sait surtout qu'elle est un médecin qui pratique des avortements.

Elle tient un discours parfaitement cohérent à la fois à ses collègues, à sa patiente, et à sa collègue et amie Naomie qui tient ici le rôle de la militante pro-life.

À ces collègues, elle évoque sinon sa réticence, du moins son inconfort à l'idée de pratiquer un avortement tardif. Toutefois, elle défend sa patiente face à celui qui demande si elle utilise l'avortement comme contraceptif (Cooper), et face à son amie (Naomie) qui tout de suite renomme l'avortement tardif «avortement par naissance partielle», rappelant au premier que quand bien même ce serait le cas, en tant que médecins ils ne sont pas là pour juger, et à la seconde que le terme qu'elle emploie n'est pas neutre et qu'elle n'acceptera de discuter avec elle que si elle accorde son vocabulaire sur des définitions légales.

Dans les deux cas, elle a recours sinon à la loi, du moins à l'éthique, pour consolider sa position. Elle est appuyée par sa collègue Violet, qui rappel que c'est la cour suprême qui a tranchée en faveur du droit de la femme à choisir.

Face à sa patiente, elle commence par énoncer les faits «vous êtes toujours enceinte», «vous pouvez en effet interrompre cette grossesse mais il faut que vous sachiez en quoi consiste cette procédure qui est plus lourde que la première». Sans tenter de lui faire peut, elle ne cache pas à sa patiente les difficultés médicale, psychologiques ou morales qui peuvent se poser à elle.
Toutefois, si les détails semblent être violents, ils sont tout à fait cohérent avec l'attitude d'Addison : elle défend le droit de sa patiente à choisir. Or, pour pouvoir faire un choix éclairé, il faut avoir conscience de tout les paramètres.
Ceci posé, elle lui assure longuement et fermement que, quel que sera son choix, elle la soutiendra.


Ce discours-là est déjà courageux (je me répète) à la télévision américaine. Qui plus est sur un network (abc) qui est aussi la chaîne qui diffuse la trés conservatrice série Desperate Housewives.
Et je me demande d'ailleurs dans quelle émission française on a pu voir ce sujet abordé avec autant d'engagement, mais je ne connais finalement que très peu les séries françaises récentes. N'hésitez pas à compléter en commentaires.

Mais le discours qu'elle tient à Naomie est particulièrement fort. N'ayant pas trouvé cet extrait en ligne, je vous fait le récit de la scène. 

Addison, en tenue de bloc, se lave les mains, prête à intervenir sur sa patiente. Elle a le regard pensif, douloureux, mais on y décèle aussi de la colère.
Naomie, même tenue, est à côté d'elle. Elle lui demande si elle est sûre de ce qu'elle va faire.
Addison, les yeux dans le vague, dit que le bébé qu'elle aurait eu si elle n'avais pas avortée aurait aujourd'hui 6 ans, que ça aurait surement été une fille, qu'elle se serait appelé Ceyla. On sent sa douleur. 

Naomie : Comment peux-tu pratiquer cet avortement alors que tu as des regrets concernant le tien ?

Addison : Peut-être que c'était ma seule chance d'être enceinte. Mais malgré ça, pour moi, c'était la bonne décision à ce moment là.... Je ne prend pas ça à la légère Naomie, j'essaie de séparer ce que je veux d'un point de vue personnel, de ce que je dois faire professionnellement, et ça me tue. Je voudrais étrangler le médecin qui a raté ça au début. Ça vient de loin hein ? Mais pourquoi Patty ne peux pas avoir ce qu'elle veut ? Un avortement sécurisé et légal, sans jugement ? Pourquoi est-ce qu'elle doit repasser par ça, encore ? Pourquoi je dois passer par ça ? Je déteste ce que je suis sur le point de faire mais je soutien le droit de Patty à choisir. Ce n'est pas assez de n'avoir qu'une opinion sur ce sujet. Parce que dans une nation de plus de 300 millions de personnes, il y a seulement 1700 (seventeen hundred, c'est bien 1700 ?) médecins qui pratiquent de avortement. Et je suis l'un d'entre eux."

Avec un tel discours, appuyé sur des bases légales rappelées tout au long de l'épisode, la position pro-choix est clairement mise en valeur. Les militants anti-choix sont ou des fanatiques terrorisant les femmes, ou tiennent le discours de Naomie, complètement décalé par rapport à ce que veux Patty. Sans diaboliser cette dernière (après tout, tout ce monde là doit pouvoir coexister au sein du même pays), on évalue son discours pour ce qu'il est : une opinion. Or, le discours d'Addison avant l'opération insiste sur le fait qu'une opinion ne fait pas tout.
Si on n'est pas débarrassés du discours des regrets et des comptes d'anniversaire, il me semble que c'est peu de chose par rapport à la position politique affichée, surtout dans un pays ou certains souhaitent rendre légal le meurtre de médecins pratiquant des avortements.

Enfin, même si Addison Montgomery est un personnage de fiction, et qu'elle n'est donc pas un des 1700 médecins qui pratiquent des avortement aux États-Unis, l'actrice joue un rôle finalement non négligeable sur le sujet. 
Elle fait, depuis 2008, l'objet de pression de la part de certain groupes anti-avortement, puisque son personnage représente la position libérale qu'ils refusent. Mais Kate Walsh s'est aussi publiquement prononcée pour l'abandon du programme d'éducation sexuelle portant sur l'abstinence, au profit d'un véritable cours d'éducation sexuelle. J'ai aussi trouvé une vidéo d'elle pour la promotion du planning familial américain. On l'avait aussi aperçu dans le clip Yes We Can en 2008. 
Et il a quelque chose de rassurant à se dire que non seulement la fiction peut diffuser des idées, mais que même hors du script, les acteurs peuvent continuer à porter ces idées là.

samedi 7 mai 2011

Procrastination, autre méthode

Sinon, ces temps ci, je procrastine plutôt comme ça :



En m'extasiant devant des futurs myrtilles :



En observant la faune sauvage :



Ramassant des jonquilles de montagne :



Et observant des paysages qui sont tellement plus beau en vrai qu'en photos : 





Bon, c'est beaucoup moins exotiques que les balades de ceux-là, mais les archives ont elles beaucoup de mal à rivaliser avec les volcans ou le massif du Sancy...

mercredi 4 mai 2011

Mais à quoi ça sert ?

 En 2009, l'excellente émission La Fabrique de l'Histoire, présenté par le géniallissime Emmanuel Laurentin (je rêve de bosser pour cette émission, ne lésinons donc pas sur les superlatifs flatteurs, des fois que quelqu'un passe par ici en recherchant une chroniqueuse pour France Culture), l'excellente émission de France Culture donc, fêtait ses dix ans.

Cinq jours pas semaines, vers 9 h du matin, pendant environ une heure, la radio parle de l'histoire telle qu'elle se fabrique, et la fait sortir des universités et centres de recherche pour rendre son actualité accessible à tous, via la radio publique. Je suis, bien évidemment, complètement fan.

En général, il y a un thème par semaine, traité sous forme d'interview, de documentaire ou encore de débat historiographiques contemporains. Les interviews sont brillantes, les documentaires souvent très bons (mais je suis déjà une grande convaincue des documentaires radiophoniques), et les débats historiographiques donnent à la thésarde l'impression qu'il existe des personnes, hors de son cercle d'amis, qui argumentent sur des questions d'histoire : c'est très réconfortant. 

Les vendredis sont mes jours préférés. Ils sont consacrés à l'actualité de l'histoire. L'émission de vendredi dernier (que j'écoutais cet après-midi en photographiant mes archives) faisait une critique détaillée, et contextualisée, du procès Barbie, à l'occasion de la sortie des DVD dudit procès, coédité par ARTE et par l'INA. Un peu plus tôt dans l'émission, il était question de la manière dont le gouvernement hongrois actuel réécrit son histoire de la Seconde Guerre mondiale.

Et puis les vendredis commencent par l'inconnu des archives. Depuis septembre dernier en effet, tout les vendredis (vous avez bien saisi de quel jour de la semaine il s'agit hein ? Parce que je suis surement capable de le redire encore 3 ou 4 fois d'ici la fin de cet article) commencent par quelques minutes laissées à un historienne (ou une historien, c'est au choix) pour nous parler de quelqu'un d'inconnu, qu'il/elle a trouvé dan ses archives. L'idée a connu un bel engouement, et une page a été ouverte sur le site de la Fabrique ou chacun peut laisser à sa guise un ou une inconnus rencontrés lors de ses propres recherches. Chaque semaine, l'animateur nous donne le nombre d'inconnus arrivés sur le site, je pense qu'on doit en être à une soixantaine. 
Vous pouvez aller les lire, ce sont de petites notices biographiques, un peu écœurant si l'on en consomme trop d'un coup, mais c'est plutôt touchant. Un de mes regrets c'est de ne pas être capable d'en fournir une (mes archives sont vraiment trop lacunaires pour que j'arrive à retracer la vie d'un des malades de mes hôpitaux, d'une fille enfermée, ou même d'une religieuse hospitalière, tous sont bien trop discrets), surtout que ces différents inconnus vont fournir de la matière à « quelque chose » courant mai. Que sera ce « quelque chose » ? Mystère et boule gomme ! Mais l'an dernier, la même émission avait fait aussi « quelque chose » de sa chronique régulière « à quoi sert l'histoire ? »

Oui parce qu’en fait, c'est de ça que je voulais vous parler à la base. J'ai acheté tout à l'heure ceci :



C'était pour les 10 ans de l'émission (dont je parlais plus haut, avant de me laisser emporter par ma description), une quarantaine d'historiens acceptaient de répondre, en 4 minutes, à la question qui donne des pulsions de violence aux étudiants en histoire « À quoi sert l'histoire aujourd'hui ? ». Là, j'en entends certains me répondre avec enthousiasme « à faire parler les cons ! » Certes, (vous connaissez bien vos classiques) mais en l'occurrence, on a décidé de faire parler une quarantaine d'historiens (dont Arlette Farge, Jacques Le Goff ou Michelle Perrot, excusez du peu) qui nous offrent ici arguments et réponses à cette grande question, avec intelligence, gravité et souvent humour (car l'historien est, comme chacun sait, doté d'un solide sens de l'humour, nécessaire à sa survie dés qu'il met un pied hors de l'Université).

L'humour de Christophe Pochasson lui permet de mettre en scène sa chronique, en la plaçant dans un bistrot, ou un groupe d'habitués, « les historiens » s'écharpent pour répondre à la question du patron du bar Chez Fernand, l'histoire à quoi ça sert ?

Jean-Noël Jeanneney décide quant à lui de répondre à la Cyranno, « je veux dire sur tous les tons : 
Superficiel : tant de gens aiment tellement la revue gala qu'ils rêvent de la projeter autrefois et de savoir enfin si Marie-Antoinette et Fersen sont allés, un soir d'été, jusqu'au bout de leur désir. Vive l'histoire !
Désabusé : notre monde est si désespérant qu'une fuite s'impose, loin en arrière, le plus loin possible, vers un âge d'or imaginaire. Vive l'histoire !
Désinvolte : tant d’intrigue et tant de romans. La réalité dépasse la fiction, et même si Clio m'a abusée et m'a prise dans ses rêts, j'aurais passé, grâce à elle, un bien bon moment. Vive l'histoire !
Pusillanime : l'historien est si bien au chaud dans sa tour d'ivoire, loin des brutalités de la planète, qu'on ne lui fera jamais grief des jugements les plus sévères et les plus péremptoires sur ceux qui s'y sont exposés, jadis et naguère. Vive l'histoire !
Cynique : Clio a un magasin une quantité incroyable d'anecdote et de citations où chacun peut puiser à loisir au service de n'importe quelle cause, et lui en savoir gré sans inconvénient pour elle. Vive l'histoire !
Patriotique : comme l'a dit Gabriel Monod, fondateur de la revue Historique : “l'histoire travaille, d’une manière secrète et sûre, à la grandeur de la patrie”. Vive l'histoire !

Et très sérieuse, Claire Lemercier nous rappelle qu'elle sait bien qu'il n'y a pas de leçons de l'histoire, “mais je sais aussi que si les historiens se taisent, tous les pouvoirs, tous les groupes de pression et tous les Éric Zemmour du monde les tireront à leur place.” Rappel pas du tout inutile à mon humble avis.

Ça coûte 13€, c'est édité par France Culture chez Bayard, et c'est drôlement bien. Courrez donc l'acheter, ou, à défaut, abonnez-vous aux émissions de la Fabrique, ça, c'est gratuit.