mardi 22 février 2011

Balade hivernale

Jeudi dernier, dans un élan de re-motivation envers ma thèse (yé!), j'ai passé ma journée aux archives de la communauté des Sœurs Grises. Pas de panique, je n'ai pas l'intention d'en parler ici. En revanche, il faisait beau, et, archives obligent, j'avais mon appareil photo. Du coup, si ça vous intéresse, promenade dans le Vieux Port.


Un mur peint, et une photo qui certes, ne vaut pas celles de Peggy, mais le mur vert est sympa non ?

Un peu plus loin un restaurant du nom de Napoléon. Il semble fréquenté par principalement des vieux messieurs à cheveux blancs, accompagnés de leur femmes. Par contre il doit y avoir une règle dans ce resto qui impose aux hommes de s'asseoir tous du même côté, à savoir en face de la rue montante. Leur femmes ont vu ur la rue descendante. Oui, je sais, on ne voit pas bien sur la photo, mais il y a 4 fenêtres, et 4 couples identiques..surprenant. 


Dans ce coin là, on trouve le fameux Marché Bonsecours :


Et le un peu moins fameux Marché petit Bonsecours



Un bateau qui semble être dans la rue et non sur le fleuve


Des boutiques fermées pour l'hiver



Oui, parce que pendant qu'il fait suffisamment beau en Italie, 
en Espagne ou dans le sud de la France pour envisager de manger dehors, 
ici, le fleuve est gelé :


D'ailleurs, il y a ce petit bateau dont le job consiste à littéralement briser la glace :


Et de nombreuses pancartes nous exhortent à nous méfier :


En même temps, c'est pas tout à fait superflu comme avertissement, vue les stalactites :


Et pour conclure cette balade, un joli logo dans le rue 
(paraît que c'était la St Valentin y a pas longtemps non?):




Ah oui, j'avais dit pas d'archives, oups :)

lundi 21 février 2011

Coup monté

Je suis allée voir la semaine dernière Inside Job, et en suis ressortie avec quelques idées en tête que je poste ici. 

Pour ceux qui n'en auraient pas entendu parler, il s'agit d'un film documentaire revenant sur les causes de la crise financière qui a éclatée en 2008, et qui a provoqué la crise économique dans laquelle nous pataugeons actuellement. 
Le film commence en Islande, pays ébranlé ô combien par cette crise, après avoir été un cas « pur » de dérégulation bancaire, une sorte de laboratoire expérimental de la financiarisation de l'économie. En gros, l'Islande à un PIB (donc, « fabrique ») 10 milliards de dollars/an, et en à perdu environ 110 (oui, milliards de dollars) lorsque ses banques se sont effondrées. 
Les auteurs interviewent les responsables islandais qui, faisant le constat d'une finance islandaise totalement corrompue (les avocats responsables de la régulation étaient embauchés par les banques qu'ils devaient contrôler s’ils s'avéraient bons, à un salaire nettement supérieur à celui que l'État leur offrait, par exemple) répliquent aux questions — faussement — naïves que c'est un phénomène mondial, « Vous avez bien le même problème à New York non ? »
De là, nous partons pour Wall Street dont le film tente de décortiquer les rouages. Parmi tout ce que l'on apprend pendant ces 2 h (et lorsque l'on a, comme moi, jamais suivi le moindre cours d'économie durant ses études, on apprend beaucoup) je retiens disons 5 points.

La schizophrénie de la droite conservatrice.

La dérégulation de la finance à lieu sous la présidence de Reagan. Les années 80 marquent vraiment une rupture dans le monde de la finance. Un des responsables interviewés raconte qu'un de ses amis, trader au début des années 80, avait du mal à boucler ses fins de mois, en quelques années, il s'est mis à gagner des millions... et était persuadé que c'était du uniquement à son intelligence.
Un autre responsable (oui alors non, je n’ai pas noté les noms, ni les fonctions. Malgré mes névroses universitaires, je ne vais pas encore au cinéma avec un carnet de notes.), un autre responsable donc, raconte qu'il était président d'une banque d'investissement avant les années 80. Les banques d'investissement, qui sont donc celles qui font des opérations bancaires internationales, n'étaient à l'époque que des associations d'hommes fortunés, qui mettaient chacun une partie de leur capital en jeu. Dans la mesure où il s'agissait de leurs portefeuilles, ils ne prenaient pas de risques inconsidérés. L'interviewé explique ainsi qu'il gagnait alors pour ce travail 45 000 $/an (adapté au cours actuel, disons que ça donnerait 60 000... 70 000 $/an, ce qui reste raisonnable, et sans commune mesure avec les montants actuels, qui se chiffrent en dizaine de millions). Bon, je soupçonne cette vision de la finance ante-Reagan d'être un peu idéalisée pour les besoins de la démonstration, mais l'écart est tel que l'on peut retenir un simple fait : on a changé de monde.
C'est donc la droite conservatrice qui a initié la dérégulation de la finance (en résumé très rapide, autorisé les banques à utiliser l'argent de leurs clients — vous, moi — pour leurs opérations bancaires internationales). Donc autorisée des banquiers « bons pères de famille » à faire des paris (parce que ça ressemble tout de même beaucoup à des paris, les placements en bourse) avec de l'argent qui ne leur appartient pas... Bon, question de vertus, c'est moyen tout de même.
L'Administration Clinton a continué joyeusement dans la foulée, et l'Administration Bush a accéléré les choses, notamment avec le marché immobilier ouvert aux spéculations.
Dans le film, on voit les traders de Wall Street, et on apprend leur consommation importante de cocaïne et de prostituées. À propos de la cocaïne, des études récentes mettent en évidence, grâce à l'IRM du cerveau, que c'est la même zone qui est stimulée par le fait de gagner de l'argent que par la prise de cocaïne. Amusant non ? Les dépenses sont passées en notes de frais, comme en témoigne la responsable d'une entreprise spécialisée dans les « services personnalisés » (une maquerelle quoi).
Quel que soit votre regard sur la toxicomanie ou la prostitution, vous ne trouvez pas, disons, ironique, que ces soit la même droite conservatrice et religieuse (Bush est un born again, dont la rhétorique religieuse a été soulignée mainte fois pendant ses mandats présidentiels) qui fabrique et encourage un milieu aussi éloigné de leurs valeurs ?
Deux possibilités, soit ils sont totalement schizophréniques, soit parfaitement hypocrites. Je vous laisse choisir.

Le choc des chiffres des bonus des traders et celui des salaires chinois

Ça rentre dans la catégorie de l'indécence. Durant tout le film, s'affichent régulièrement à l'écran les montants qui sont versés aux différents banquiers, traders et autres experts financiers. Il y a tellement de zéros que l'on ne sait plus ce que l'on lit. Devant de tels montants, on ne sait plus si ce sont des versements mensuels, annuels, exceptionnels, parce que c'est pour beaucoup plus que ce que l'on gagnera en une vie. On lit donc 1 000 000 $, 35 000 000, 450 000 000 $ ou 20 000 000 000 $, on en vient a penser que celui qui a été payé 35 000 pour une expertise économique s'est fait avoir. Et puis on arrive dans les ateliers chinois (vous savez, les méchants Chinois qui volent le travail des occidentaux). Victimes de la crise, les Américains consomment beaucoup moins. Conséquence, la Chine perd des débouchés pour sa production, et ferme ses ateliers. Une jeune femme interviewée explique qu'elle gagne, dans cet atelier, beaucoup d'argent, bien plus qu'elle ne pourrait en gagner en travaillant à la campagne : 70 à 80 $ par mois. Et qu'elle s'inquiète de la fermeture prochaine de l'atelier où elle travaille.
Ce n’est pas comme si on ne le savait pas. Mais la superposition des deux mondes, irrémédiablement liés, est violente. Je cherche un commentaire brillant pour conclure ce paragraphe, je ne le trouve pas. En fait, la superposition des chiffres parle d'elle-même.

Les Américains sont idiots et méchants, les autres responsables sont modérés, et sous la domination américaine.

Si vous avez cliqué sur le lien que j'ai placé plus haut, vous êtes arrivé sur la présentation du film par le site allociné, qui annonce comme acteur dans le film Matt Damon (qui fait la voix off), Dominique Straus Kan et Christine Lagarde. Bon, on les voit en tout et pour tout 5 minutes dans tout le film, mais le site est français, on va tout de même pas vous mettre en avant les responsables américains ou islandais hein.

Mais comme je suis française, je sais un peu qui sont ces deux personnages. Dans le film, ils représentent la voix de la modération, la volonté de contrôle des banques. Dominique Strauss-Kahn parle des banquiers comme des personnages cupides, que l'État et les institutions internationales doivent contrôler. Christine Lagarde représente la raison, le calme, et la peur face aux décisions américaines.

Dominique Strauss-Kahn est un des ténors du parti socialiste français. Il représente l'aile droite du parti. De 1997 à 1999, il est ministre de l'Économie et des Finances du gouvernement Jospin. Durant ce mandat, c'est lui qui signe les documents amenant la privatisation de différentes d'entreprises d'État (France Télécom, ou l'on vit très bien depuis d'ailleurs) et met la France en conformité avec les directives européennes sur la concurrence libre et non faussée. Je comprends bien que les directives européennes limitent, une fois promulguées, la latitude des gouvernements nationaux, qui ne peuvent plus vraiment s'y opposer. Toutefois, je ne me souviens pas qu'on ait beaucoup entendu le ministre des Finances de l'époque dire que ses mains étaient liées, que donc il signait, mais qu'il y était fermement opposé. 
Vous me direz que pendant son mandat, j'avais entre 12 et 14 ans, et que ma mémoire peut me jouer des tours. Certes.
Mais, depuis 2007, il est directeur du Fonds Monétaire International, qui n'est tout de même pas l'institution internationale qui prône le plus la règlementation des marchés par les États...
Bref, le présenter comme chantre de la règlementation me pose quelques problèmes. Et j'aime bien la synthèse qu'en fait Martin Vidberg.

Christine Lagarde est quant à elle ministre déléguée au commerce extérieur de 2005 à 2007, ministre de l'Économie, de l'Industrie et de l'Emploi de 2007 à 2010, et depuis novembre 2010, ministre de l'Économie, des Finances et de l'Industrie. Ministre clef de Nicolas Sarkozy, elle soutient donc le programme économique d'un candidat qui a soutenu pendant sa campagne présidentielle que les placements du type subprime étaient une excellente idée, sur le modèle de celui appliqué aux États-Unis (voir pour les réussites de cette politique les zones résidentielles à l'abandon qui parsèment le territoire américain.)

C'est probablement parce que le film est avant tout destiné au public des USA, et que démonter les rouages américains était déjà bien suffisant que les auteurs ne nuancent pas vraiment les propos des étrangers (je peux le faire pour les Français, pas pour les Islandais ou les responsables de Singapour). On leur pardonnera facilement, parce que leur travail au niveau des États-Unis est impressionnant, et qu'on ne pas parler de tout en deux heures. Pour des nuances sur l'Europe, je crois qu'un documentaire du journaliste Jean Quatremer traite le sujet, mais je n'ai pas eu l'occasion de le voir.

La corruption des gouvernements

Pendant 2 h, on est assis-e dans un fauteuil, et on nous explique ce qui a amené tranquillement, mais surement la finance internationale à la crise de 2008. Il y a des personnes responsables. Des individus, qui ont pris des décisions, choisi une orientation économique dangereuse, pour beaucoup en conséquence de cause. Certains ont poursuivi cette politique même une fois la crise entamée. Des coupables quoi.

Ils sont clairement identifiés par les auteurs du documentaire. Pourtant, aucun d'entre eux n'est aujourd'hui l'objet de poursuites pour escroquerie.

Mieux. Pendant sa campagne présidentielle, Barack Obama a répété longuement sa ferme volonté de réglementer la finance. Pourtant, les décisions de son administration sont pour le moins timides. En regardant de plus près, on remarque que l'ensemble de son gouvernement économique est composé des mêmes individus qui étaient en charge de l'économie sous Bush, et pour certains sous Reagan.

Que ces individus soient encore présents à tous les postes clefs, malgré la crise économique mondiale, qu'ils ont provoquée ; et malgré l'orientation politique d'Obama qui, sans être gauchiste, se démarque de celle de Bush, est effrayant. La démocratie est une illusion, et malgré le cataclysme de 2008, on ne peut rien faire.

Le film se clôt sur l'image de la statue de la Liberté, et la voix off, qui nous prévient que le pouvoir a été confisqué par cette élite financière, et qu'ils dépenseront sans compter pour le conserver, nous exhorte à ne pas nous laisser faire. Que ce ne sera pas simple, mais que certaines choses valent qu'on se batte pour elles. C'est encourageant, moins grandiloquent que les superproductions que l'on peut voir au cinéma, mais terriblement plus efficace, parce que..Ben parce que c'est réel.

Brûler les départements de sciences économiques au napalm... (Rooo ça va, je plaisante. Quoique..)

Ce dernier point, j'y tiens beaucoup, parce qu'il illustre une question que j'ai entendue formulée par Frédéric Lordon, et qui depuis me revient régulièrement en tête : qu'est-ce qui justifie l'existence des économistes ?

Les sciences économiques font parties des sciences humaines. Nature que les économistes passent beaucoup de temps à essayer de faire oublier, parce qu'ils refusent d'être associés aux historiens (yeurk), philosophes (brrr) ou encore littéraires (pfff) qui peuplent les facultés de sciences humaines. C'est vrai, quelle personne raisonnable, vivant dans le monde réel, voudrait être associée aux hippies gauchistes qui peuplent les facultés des Arts et Sciences ?
En tant que membre de la grande communauté anarchogauchiste que forment les historiens, je réponds en moyenne une fois par semaine à la question « à quoi ça sert ? » lorsque j'explique sur quoi porte ma thèse, et une fois de temps en temps, lorsque l'interlocuteur est vraiment en forme, « À quoi tu sers?»

Je suis prête à parier que l'on ne pose pas cette question aux étudiants en sciences économiques.

On reproche aux historiens (par exemple) de ne pas être ancrés dans la réalité, de travailler sur des sujets inutiles et sans action sur le monde. On nous reproche de travailler sur une matière beaucoup trop instable (l'humain) pour prétendre à une expertise quelconque sur la société.

Les théories économiques qui ont prôné la dérégulation de la finance s'appuient sur l'idée que le marché se régule tout seul. Idée sympathique, mais qui n'a jamais été prouvée en aucune manière. De plus, l'application de ces théories montre plutôt que non, la main invisible du marché n'existe pas. 
Elles ont aussi permis aux banques d'emprunter largement au-delà de leurs moyens (revoir l’exemple islandais)
Les sciences économiques ont permis la naissance de ces fameux « produits complexes », qui permettent de vendre des produits financiers vérolés en toute impunité, en les mélangeant à des produits financiers de meilleure qualité.
Bref, pour le rapport à la réalité des sciences économiques, on repassera.

Maintenant, sont-ils utiles ? Qu'apportent ces théories ? Parce que certes, ils ont une action sur le monde. Les différentes économistes interrogées, professeurs pour la plupart dans les universités de l'Ivy League, occupaient tous, jusqu'à la crise, des postes de consultant généreusement payés par des banques ou des compagnies d'assurances. [Chose amusante, lorsque les auteurs du film demandent à ces professeurs s’ils ne voient pas dans ces « ménages » une occasion de conflits d'intérêts, ils feignent de ne pas comprendre, à croire qu'ils ne se sont jamais posés la question.]. Ils ont donc une action sur le monde, et ne demeurent pas dans la tour d'ivoire universitaire. Mais dans la mesure où leur action sur le monde paraît plus néfaste que bénéfique, on pourrait se poser la question de la légitimité de ces sciences économiques ? Ou au minimum, la légitimité de leur pouvoir, et de leur rayonnement ? 

mardi 15 février 2011

Révolutions & féminisme ? Paternalisme & colonialisme !

(Comment ça mes titres sont nuls ?)

Ciel bleu, grand soleil, neige blanche encore toute belle de la tempête d'hier. Sous mon manteau, mes deux écharpes et mon bonnet (il fait -27°C !!!!), mes écouteurs et mon iPod. Dans mes oreilles, ceci

L'émission Du Grain à Moudre pose une question a priori intéressante pour toute âme un tant soit peu féministe, la place des femmes dans les révolutions d'Afrique du Nord, et leurs places dans les sociétés en construction.

J'entame dont les 7 minutes de marche qui séparent mon appartement du métro guillerette  à l'idée d'un débat intéressant. Sur cette courte distance, je me suis arrêtée 3 fois, tellement les termes du débat et les questions posées par l'animateur me paraissaient stupides ou, plutôt, empreintes d'un bon vieux paternalisme occidental. Et le paternalisme quand on parle de féminisme, moi je suis pas fan. Plutôt que de râler dans mon coin, je vous fais partager mon énervement.

Quelques points pénibles rien que dans le chapeau (texte disponible sur le site de l'émission) :

— Est-ce que c'est bon pour les femmes ? 

Dans la mesure où cette révolution a été menée, à ce qu'on a pu en lire, par l'ensemble de la population, sans distinction de genre, on peut supposer que les hommes comme les femmes trouvaient le régime précédent pour le moins insatisfaisant. À partir de là, j'imagine que les femmes trouvent que c'est plutôt mieux pour elles — et pour eux — de changer de régime.

 Le régime précédent avait accordé un certain nombre de droits aux femmes, ne risquent-elles pas de les perdre ?

Déjà, un régime politique n'accorde JAMAIS gratuitement et out of the blue des droits à une population minoritaire/opprimée. Les droits s'obtiennent par la lutte, qui peut parfois prendre uniquement la forme de débat démocratique, mais c'est rare, puisque par définition, les opprimés ont peu d'accès aux instances de décisions
Les noirs américains n'ont pas obtenu la fin de l'esclavage, puis de la ségrégation par la générosité du gouvernement américain (voir ici et ). 
Les conditions de travail des ouvriers se sont améliorées à la suite de grèves importantes, pas grâce à la générosité des employeurs. 
Le droit à l'avortement en France a été obtenu certes grâce au combat de Simone Veil, mais aussi, et surtout grâce aux actions de mouvements comme le MLF ou le MLAC (Mouvement pour la Libération de l'Avortement et de la Contraception.), qui ont posé le problème sur la place publique. 

C'est pareil pour les Tunisiennes, comme le rappelle d'ailleurs une des intervenantes du débat. La question du droit des femmes a donné lieu à un intense débat sur la place publique, et dans le monde politique. Si ces différentes avancées ont certes pu se faire grâce à un pouvoir politique plutôt progressiste, elles ont toutes des racines bien plus profondes, et ne sont pas des cadeaux faits gratuitement aux dominé-e-s.
Ensuite, si les Tunisiennes bénéficient d'un statut plus enviable que celui de leurs voisines Égyptiennes ou Marocaines, on ne parle pas d'égalité. Et ça, l'égalité, d'abord légale, puis réelle, ce n'était pas vraiment au programme de Ben Ali. A priori, dans le cadre démocratique qui peut émerger après cette révolution, elle a bien plus de chance de se produire.

— À propos du nombre de femmes en politique en Tunisie, 27 % au parlement tout de même, soit plus qu'en France : « Certes, ces promotions, comme toutes les autres sous la dictature de Ben Ali, dépendaient du bon vouloir du Prince. Mais que faut-il redouter le plus ? Le despotisme éclairé, avec son arbitraire, ou la revanche des archaïsmes religieux, longtemps réprimés ? »

J'avoue que celle-là est assez géniale, et je me suis exclamée à voix haute dans la rue « Non, mais c'est pas possible ! » en l'entendant (déclenchant quelques regards de la part de passants d'ailleurs...).
C'est vrai quoi, elles avaient une dictature corrompue qui leur donnait quelques droits, pourquoi ne pas s'être battue pour garder ce système ? Pas de liberté d'expression, de la prison politique, de la torture, qu'est-ce que c'est quand on à le droit de siéger dans un parlement fantoche, franchement ? Parce que maintenant qu'ils doivent ce gouverner tout seuls, ces idiots d'Arabes ne peuvent QUE mettre en place une dictature religieuse, rétrograde pour lafâme, et elles vont bien regretter le temps ou, sous Ben Ali elles avaient le droit d'avorter ou de voter (mais pas d'hériter hein, faut pas déconner non plus). 

Le fait que justement, les femmes tunisiennes soient majoritairement éduquées, et aient bénéficié d'un statut plutôt libéral, constitue pour elles une motivation pour s'impliquer dans la construction d'un nouvel état, et aller plus loin, vers l'égalité, et, en conséquence, un rempart, contre des mouvements extrémistes, ne semble pas venir à l'idée du journaliste, trop occupé à s'inquiéter pour elles, à penser pour elles...
Quant aux Égyptiennes, il semble que c'est en bonne partie parce qu'elles sont exclues de la vie politique qu'elles souhaitent un changement de régime. Fou non ?

Honnêtement je ne sais pas par quel bout il faut prendre cette phrase... déjà la certitude que cette révolution démocratique et non religieuse (pas un seul drapeau vert dans les manifestations, comme le rappelle une intervenante) ne pourra que déboucher sur une dictature islamique, c'est incroyablement méprisant pour cette population qui s'est battue pour mettre son dictateur à la porte. On ne peut certes jurer de rien, et il n'est pas exclu qu'à l'euphorie révolutionnaire succède la terreur (on a déjà vu ça), mais on ne pourrait pas, au minimum, leur accorder le bénéfice du doute ?

Quant aux archaïsmes religieux « depuis longtemps réprimés », est-ce justement le fait qu'ils aient été mis en sourdine n'aurait pas abouti à ce qu'ils aient une faible emprise sur la population ? Et que donc, s’ils parviennent à une nouvelle visibilité dans le champ démocratique, cela ne signifie pas obligatoirement qu'ils seraient largement représentés ? Après tout, la France a la joie de posséder dans son éventail de partis politiques le Front national — ouvertement xénophobe — le Mouvement pour la France de Philippe de Villiers — catholique plus que traditionnel — ou encore le Mouvement Nationale Républicain de Bruno Mégret — extrême droite nationaliste. Personne ne conteste toutefois sérieusement à la France le statut de démocratie... De la même manière, les États-Unis voient prospérer sur leur sol des extrémistes religieux qui militent pour l'enseignement exclusif du créationnisme à l'école, et organisent des camps de vacances pour endoctriner les enfants. Ces groupes religieux avaient leurs entrées à Washington sous l'Administration Bush. Bien qu'on ait pu parler ici ou là de gouvernement religieux, personne n'est allé jusqu'à remettre en cause la nature démocratique du gouvernement des États-Unis.

Plus loin dans le débat, on arrive à la question du voile, et là aussi, ça mérite qu'on s'y attarde. Mais ça fera l'objet d'un autre billet parce que l'on change un peu de sujet (et je devrais être en train de bosser là...)



Cela dit, je vous conseille l'écoute du débat. D'une part parce que les trois intervenantes sont vraiment intéressantes (Nadia Chaabane , enseignante membre du Collectif national pour le Droit des femmes, signataire de la pétition pour ne pas exclure les femmes de la révolution tunisienne, Hélé Béji, écrivaine et essayiste, Nahla Chahal, sociologue, chercheuse au Arab Reform Initiative), et que leurs propos contredisent et nuancent intelligemment les idées reçues émises par l'animateur. D'autre part parce que cette position de Brice Couturier, qu'elle soit sincère ou bien mise en scène pour les besoins du débat, met en évidence tous les réflexes colonialistes occidentaux.

lundi 7 février 2011

Souriez ! et puis lisez aussi.

Découverte d'une nouvelle émission : Souriez, vous êtes informés!
C'est sur france-inter. L'émission dure quoi, 10 min? Une intro de l'animateur sur l'actualité, et quelques questions posées à un journaliste. C'est sympa, mais pas transcendant..disons que c'est un podcast pour le métro, le matin. (oui, je consomme assez de podcast pour les classer par usages et horaires..)

Depuis quelques temps (2 ans?) on a accès à des émissions de radio filmées, disponibles sur dailymotion (en tout cas pour radio-france). En général, ça n'apporte pas grand-chose par rapport à l'émission de radio, à part le visage des animateurs (et l'idée même de «physique de radio» mériterait qu'on laisse le mystère entier autour des voix) et une image moche. 

Mais là, france-inter tire vraiment partie de la vidéo. Alors que l'émission diffusée fait une dizaine de minute, on a accès sur le site à l'entretien complet, qui a servi au montage de l'émission. Ça donne environ une heure de discussion, qui permet à l'interviewer et à l'interviewé-e de prendre leur temps, d'aller au bout de leurs idées, bref, le genre de chose qu'internet permet bien plus que les médias traditionnels.

Je vous conseille tout particulièrement l'émission du 3 février dernier. (que je suis incapable d'inclure ici, technonulle que je suis)

Je n'avais jamais entendu parler de Anne Nivat, mais il est certain que je vais plonger dans ses livres rapidement. 
Elle est reporter de guerre, et travaille particulièrement sur la Tchétchénie - elle était sur place au moment ou le conflit à éclaté, et a donc pu en rendre compte de l'intérieur, alors que les journalistes occidentaux avaient du mal à y entrer - ainsi que sur l'Irak et l'Afghanistan.
En partant de son dernier séjour en Afghanistan sur la base militaire qui abrite l'armée canadienne, elle commence par raconter la vie sur cette base, puis la vie hors de la base, et enfin son propre travail sur le terrain depuis des années.
On ne la verra sans doute pas en Égypte ou en Tunisie, pas par manque d'intérêt, mais parce qu'elle estime ne pas en savoir assez pour faire du bon travail. Ce genre d'aveu d'impuissance est le plus souvent un gage de qualité.

mardi 1 février 2011

marseillaise

Le 9h15 de ce matin sur @rrêt sur images parle aujourd'hui de marseillaise et de sport (le 9h15, c'est une chronique en accès gratuit, donc on clique). Apparemment, y a un débat-sur-twitter, à propos de l'équipe de Handball française, qui est né pendant que je dormais (décalage horaire de 6h, c'est fou ce que je rate de choses importantes. Heureusement que je peux me rattraper..). 

Ils viennent de gagner un 4e titre mondial, mais comme c'est du hand' tout le monde s'en fout, et la seule raison pour laquelle ils ont une exposition médiatique aussi importante c'est parce qu'un crétin de l'UMP (qui a dit pléonasme?) a twitté cette merveille : 


«c'est moi, ou les seuls joueurs français qui n'ont pas chanté la Marseillaise sont les cinq blacks de l'équipe ?»


...Voilà voilà...c'est con, mais ça marche à chaque fois, c'est une recette régulièrement ressorti du placard :

Donc, pour un «Buzz» nationaliste à tendance rancie, il vous faut :

- Prendre des sportif nationaux (donc des gens qui ont un maillot bleu/blanc/rouge sur le dos quand même)
- Compter les blancs, les noirs et les pas-blancs-mais-pas-tout-à-fait-noirs. 
- Regarder qui chante l'hymne national.
- Comparer ces 2 éléments qui n'ont  : a/aucun rapport b/ ne montre jamais la moindre corrélation
- Conclure que les-noirs-et-les-zarabes sont pas des vrai français
- regarder le buzz

Bref, déprimant de bêtise.

Généralement, dans le débat qui suit, interviennent des gens qui parlent de la marseillaise et de ses paroles, qui disent qu'on devrait les changer, que d'ailleurs celle de Gainsbourg/Desproge/Tartempion est vraiment mieux. 

Ensuite il est l'heure d'aller bosser donc on arrête là la discussion, qui reprendra au prochain match de foot. Ça ressemble à un rituel en fait, c'est presque marrant.

En attendant, je vous laisse sur un billet de Paul, qui compare hymne national français et canadien. Ça fera des trucs nouveaux à dire la prochaine fois que le débat reviendra...